Montage-démontage. La commande du centre d'architecture Arc en rêve portait sur un dispositif, montable et démontable dans différents sites, qui devait pouvoir accueillir les enfants des ateliers pédagogiques consacrés à la sensibilisation
à l'architecture. Il devait pouvoir raconter/rencontrer notre manière de faire architecture.
La Cabane d'Ayous se présente au premier abord comme un simple abri. Mais elle contient aussi l'expression didactique
et élémentaire des intentions mises en œuvre pour l'élaborer.
On peut alors y lire une illustration des notions explorées
dans chacun de nos projets, une introduction à notre manière de faire, une sorte de montage/démontage de notre travail.
Forme-contrainte. L'architecture porte toujours sur la résolution d'une somme de contraintes multiples, diverses, plus ou moins complexes et parfois contradictoires. Plutôt que de les refuser, les affronter ou les subir, nous aimons les concentrer, les compléter, les décaler, voire les inventer pour tirer d'elles notre architecture. Le meilleur survenant lors de l'apparition à travers elles de formes inattendues.
L'une des contraintes posée ici est de réaliser un projet contenu dans les limites d'un cube de cinq mètres de côté.
La forme-enveloppe adopte ces limites au pied de la lettre et utilise tout le volume disponible. Cette décision produit une contrainte (et une qualité) inattendue : un volume de grande hauteur.
Forme-économe. L'architecture est toujours soumise à une économie. Nous aimons aborder cette notion de manière générique, et plutôt parler d'économie de moyens : moyens formels, techniques, matériels, financiers, moyens du bord. Juste ce qui nous paraît nécessaire et suffisant.
Le seul matériau employé ici est le panneau de contre-plaqué de 2500 x 1250 mm. Il peut être découpé et assemblé facilement. Il peut être élément structurel ou matériau de remplissage. Il s'adapte aussi bien à l'échelle de la construction qu'à celle du corps, de la main, de l'usage.
Ses dimensions sont un multiple du cube de cinq mètres
de côté. Le contre-plaqué dit « d'ayous » est l'un des plus économiques.
Forme-élémentaire. Le propre de l'architecture est de ne jamais cesser durant les études puis sur le chantier de devoir absorber une multitude de complexités successives.
En réponse à ces complexités permanentes, nous aimons l'évidence des formes simples et élémentaires.
Le volume de grande hauteur permet la réalisation de deux niveaux superposés. Un niveau de plain-pied largement ouvert et accessible. Un niveau haut refermé, dont la face supérieure pliée forme un toit. Une découpe dans l'un des pignons produit une fenêtre-balcon qui oriente le volume. Une forme élémentaire apparait. Une sorte de cabane compacte, trapue, parfaitement familière et en même temps un peu étrange.
Forme-matériau. Les matériaux de construction induisent
« naturellement » des résolutions constructives et par là des formes attendues. L'enjeu pour nous est de soumettre les matériaux bruts aux énoncés de chaque projet, pour tirer d'eux des formes inattendues.
Le mono-matériau contre-plaqué est ici à la fois unique
et multiple. Découpé en deux et profilé comme les pignons,
il devient neuf portiques structurels espacés de soixante centimètres. Posé en façade et en couverture, il contrevente les portiques et est enveloppe protectrice. Disposé sur les portiques-solives, il est le plancher du « grenier ». Découpé
à la scie-cloche, il est une échelle pour monter à l'étage.
Forme-usage. Répondre à un usage attendu est le commencement de l'architecture. Nous aimons qu'elle provienne des usages tels-quels, mais aussi des usages inattendus, des usages combinés ou des usages décalés. Nous aimons encore la voir comme le déclencheur de l'usage imprévu, celui que la forme fait naître.
Au mois de juin, la Cabane d'Ayous offre un abri ombragé aux visiteurs du Jardin Botanique. On peut la traverser ou s'asseoir sur les petits bancs-entretoises des portiques. Là, on se repose un peu. Des enfants arrivent en courant. Ils escaladent la drôle d'échelle de trous circulaires et disparaissent aussitôt. Bruit de cavalcade sur le plafond. Un grenier caché ?
Forme-située. Le site magnifique ou ordinaire est différent à chaque projet. Pour nous, il contient la singularité essentielle qu'il faut observer et à laquelle nous aimons faire des emprunts pour inventer la forme architecturale. Le projet se présente alors comme une restitution qui cherche à instaurer des rapports d'équivalence avec le site.
La forme précède ici la connaissance du site : le Jardin Botanique de Bordeaux. Il faut inventer une implantation et profiter de la singularité de la Cabane d'Ayous : son étage. Posée à même le sol de gravier couleur contre-plaqué, à l'écart des flux principaux, la cabane offre un panorama surélevé...
et un observatoire inédit sur l'éco-système des chênes pubescents.
Forme-représentation. Les enfants trouvent en arrivant dans le « grenier » des petits bristols imprimés, accrochés à des épingles en bois, elles-mêmes fixées sur les portiques.
Le dessin qu'elles portent est une représentation géométrale des faces de la Cabane d'Ayous. Les enfants peuvent le découper, le plier et le coller pour fabriquer une maquette de l'objet architectural qui les entoure, les protège, les abrite.
La maquette rudimentaire renvoie au volume de la Cabane d'Ayous qui entretient une ambiguïté sur sa véritable nature. Pas tout à fait un bâtiment, elle s'apparente à son tour à une grande maquette dont le matériau contre-plaqué rappelle le matériau balsa que nous aimons employer à l'atelier.
Démontage-montage. La Cabane d'Ayous est une architecture éphémère : démontée, elle est rangée dans des caisses qui rejoignent l'entrepôt ; remontée un an plus tard, la peinture unitaire appliquée sur toute sa surface est d'une teinte empruntée au nouveau lieu proposé. Elle efface celle du lieu précédent, transforme la physionomie de la Cabane et propose une nouvelle forme.
La Cabane d'Ayous en contre-plaqué brut, couleur beige-gravier, au Jardin Botanique, devient couleur gris-fer l'année suivante au Parc des Berges, puis brun-tourbe une autre année sous les grands conifères du Parc d'Artigues.
Localisations :
Jardin botanique à Bordeaux - 2007
Parc des Berges à Bordeaux - 2008
Parc Bétailhe à Artigues - 2010
Programme : Atelier pédagogique
Maître d'ouvrage : Arc en rêve
Architectes : Atelier Provisoire
avec Pascale de Tourdonnet
Artisans : Christophe Robin / Germain Langeard / François Delage
Photographe : Jean-Christophe Garcia
Études : 2007
Surface : 50 m²
Coût : 20 000 €